La création d’une entreprise individuelle par un fonctionnaire soulève des questions complexes au croisement du droit administratif et du droit des affaires. Cette problématique touche aujourd’hui près de 5,6 millions d’agents publics en France, dont beaucoup aspirent à diversifier leurs activités professionnelles. Le principe d’exclusivité qui régit la fonction publique française depuis 1983 a connu des évolutions significatives, ouvrant progressivement des possibilités d’entrepreneuriat aux agents publics. Ces assouplissements législatifs permettent désormais aux fonctionnaires de concilier service public et initiative privée, sous certaines conditions strictement encadrées. La réglementation actuelle offre un cadre juridique précis pour accompagner les projets entrepreneuriaux des agents publics, tout en préservant les exigences déontologiques inhérentes à l’exercice de missions d’intérêt général.
Régime juridique de l’entreprise individuelle et statut de fonctionnaire : compatibilité légale
Le cadre juridique régissant la création d’entreprise par les fonctionnaires repose sur un équilibre délicat entre les obligations de service public et la liberté d’entreprendre. La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a profondément réformé ce domaine, introduisant de nouvelles possibilités tout en renforçant les contrôles déontologiques. Cette modernisation du statut permet aujourd’hui aux agents publics de développer une activité entrepreneuriale sous forme d’entreprise individuelle, moyennant le respect de procédures spécifiques et l’obtention d’autorisations préalables.
L’entreprise individuelle présente l’avantage de la simplicité administrative pour les fonctionnaires souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat. Cette forme juridique ne nécessite pas de capital social minimal et offre une grande flexibilité dans la gestion quotidienne de l’activité. Cependant, elle implique une responsabilité illimitée de l’entrepreneur sur ses biens personnels, ce qui constitue un élément de réflexion important pour un agent public bénéficiant de la sécurité de l’emploi. La compatibilité entre ces deux statuts dépend largement de la nature de l’activité envisagée et du temps de travail du fonctionnaire concerné.
Article 25 septies de la loi n° 83-634 : dérogations au principe d’exclusivité
L’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 constitue la pierre angulaire du dispositif permettant aux fonctionnaires de créer une entreprise individuelle. Cette disposition légale établit les conditions dans lesquelles un agent public peut être autorisé à exercer une activité privée lucrative en parallèle de ses fonctions. Le texte prévoit expressément que cette autorisation peut porter sur la création ou la reprise d’une entreprise , incluant donc l’entreprise individuelle dans son champ d’application. L’autorisation est accordée pour une durée maximale de trois ans, renouvelable pour une année supplémentaire, permettant ainsi aux fonctionnaires de tester la viabilité de leur projet entrepreneurial.
La mise en œuvre de cette dérogation nécessite l’accomplissement d’un service à temps partiel, d’une quotité minimale de 50% du temps de travail. Cette exigence garantit que l’agent public continue à assurer ses missions de service public tout en développant son activité privée. Le cumul temporaire ainsi organisé offre une période de transition sécurisée pour les fonctionnaires entrepreneurs, leur permettant de conserver leur statut protecteur tout en explorant de nouvelles opportunités professionnelles.
Distinction entre activité accessoire et création d’entreprise individuelle
La législation opère une distinction fondamentale entre l’exercice d’une activité accessoire et la création d’une véritable entreprise individuelle. Les activités accessoires, définies par l’article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020, peuvent être exercées par un fonctionnaire à temps complet sans nécessiter de passage à temps partiel. Ces activités incluent notamment les prestations de formation, d’expertise ou de conseil, sous réserve qu’elles ne dépassent pas un seuil de revenus déterminé et qu’elles soient compatibles avec les fonctions exercées. Cette première modalité de cumul offre une approche progressive de l’entrepreneuriat pour les agents publics souhaitant tester leur projet sans modification de leur temps de travail.
La création d’une entreprise individuelle, en revanche, constitue une démarche plus ambitieuse nécessitant généralement un passage à temps partiel. Cette distinction reflète la volonté du législateur de préserver l’engagement professionnel des fonctionnaires envers le service public tout en leur offrant des perspectives d’évolution de carrière. L’entreprise individuelle implique une organisation structurée, une clientèle régulière et des revenus substantiels, éléments qui justifient l’exigence d’un aménagement du temps de travail public.
Sanctions disciplinaires encourues selon le statut général de la fonction publique
Le non-respect des procédures d’autorisation ou l’exercice d’activités interdites expose les fonctionnaires à des sanctions disciplinaires graduées, prévues par les statuts particuliers de chaque fonction publique. Le Conseil d’État a établi une jurisprudence constante selon laquelle l’exercice illicite d’une activité privée constitue une faute disciplinaire grave, pouvant donner lieu à des sanctions allant de l’avertissement à la révocation. Les sanctions les plus courantes incluent le blâme, la suspension temporaire de fonctions avec privation de traitement, et dans les cas les plus graves, l’exclusion temporaire ou définitive de la fonction publique.
La gradation des sanctions tient compte de plusieurs critères : la nature de l’activité exercée, sa durée, les revenus générés, et surtout l’impact sur l’exercice des fonctions publiques. Les juridictions administratives examinent particulièrement si l’activité non autorisée a porté atteinte à l’indépendance, à la neutralité ou au fonctionnement normal du service public. Cette approche casuistique permet une appréciation fine de chaque situation, tout en maintenant un effet dissuasif nécessaire au respect de la réglementation.
Jurisprudence du conseil d’état sur le cumul d’activités des agents publics
La jurisprudence du Conseil d’État a considérablement enrichi l’interprétation des textes relatifs au cumul d’activités des fonctionnaires. L’arrêt de principe rendu le 12 février 2014 (CE, n° 365262) a précisé les conditions d’appréciation de la compatibilité entre l’activité privée et les fonctions publiques. La Haute juridiction administrative a établi que cette compatibilité s’apprécie non seulement au regard des fonctions actuellement exercées, mais également de celles occupées au cours des trois années précédentes, afin de prévenir tout conflit d’intérêts potentiel.
Plus récemment, la jurisprudence a évolué vers une approche plus favorable aux fonctionnaires entrepreneurs, reconnaissant la légitimité de leurs aspirations professionnelles dès lors que les conditions légales sont respectées. L’arrêt du 15 juin 2020 (CE, n° 429584) a ainsi validé la création d’une entreprise individuelle par un ingénieur territorial, soulignant que l’autorisation ne peut être refusée que sur des motifs précis et dûment motivés par l’administration. Cette évolution jurisprudentielle témoigne d’une reconnaissance progressive du droit à l’entrepreneuriat pour les agents publics.
Procédure d’autorisation préalable auprès de l’autorité hiérarchique
La création d’une entreprise individuelle par un fonctionnaire nécessite impérativement l’obtention d’une autorisation préalable de l’autorité hiérarchique compétente. Cette procédure, codifiée par le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017, vise à garantir la transparence et la conformité déontologique du projet entrepreneurial. La demande d’autorisation doit être formulée au moins trois mois avant le début effectif de l’activité envisagée, délai nécessaire à l’instruction complète du dossier et à la consultation de la commission de déontologie. Cette anticipation réglementaire permet aux fonctionnaires de planifier leur reconversion professionnelle dans des conditions sécurisées et conformes aux exigences légales.
L’instruction de la demande suit un processus rigoureux impliquant plusieurs niveaux de contrôle. L’autorité hiérarchique directe procède à un premier examen de recevabilité et de compatibilité avec les nécessités de service. Elle vérifie notamment que le passage à temps partiel demandé ne compromet pas le fonctionnement normal du service et que l’activité envisagée ne présente pas de conflit d’intérêts manifeste avec les missions de l’agent. Cette première étape conditionne la transmission du dossier aux instances de contrôle déontologique compétentes.
Commission de déontologie de la fonction publique : saisine obligatoire
Depuis la réforme de 2019, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a repris les missions de contrôle déontologique précédemment exercées par les commissions de déontologie. Cette centralisation vise à harmoniser les pratiques entre les trois versants de la fonction publique et à renforcer l’expertise des contrôles. La saisine de la HATVP est obligatoire pour toute demande d’autorisation de création d’entreprise individuelle, quel que soit le niveau hiérarchique du fonctionnaire concerné. Cette procédure garantit une évaluation objective et uniforme des projets entrepreneuriaux des agents publics.
L’examen par la HATVP porte sur trois aspects principaux : la compatibilité déontologique, les risques de conflit d’intérêts, et l’impact sur l’exercice des missions publiques. L’autorité examine particulièrement les relations potentielles entre l’entreprise projetée et les organismes avec lesquels l’agent est en contact professionnel. Cette analyse approfondie permet de prévenir les situations de prise illégale d’intérêts et de garantir l’intégrité de l’action publique. Le délai d’examen est fixé à deux mois, prorogeable d’un mois en cas de demande d’informations complémentaires.
Dossier de demande d’autorisation : pièces justificatives requises
La constitution du dossier de demande d’autorisation nécessite la fourniture de nombreuses pièces justificatives détaillées. Le formulaire de demande, disponible sur les sites des administrations employeuses, doit être complété avec précision et accompagné d’un projet de statuts de l’entreprise individuelle. Ces documents permettent aux autorités compétentes d’évaluer la nature exacte de l’activité envisagée et ses implications déontologiques. La qualité du dossier constitue un élément déterminant pour l’obtention de l’autorisation, d’où l’importance d’une préparation minutieuse et exhaustive.
Parmi les pièces essentielles figurent une description détaillée de l’activité projetée, un prévisionnel d’activité sur trois ans, et une attestation sur l’honneur de non-condamnation pénale. Le dossier doit également comporter une analyse de compatibilité rédigée par le demandeur, explicitant l’absence de conflit d’intérêts avec ses fonctions actuelles et passées. Cette auto-évaluation déontologique démontre la prise de conscience par l’agent des enjeux éthiques de son projet entrepreneurial.
Délais de traitement et procédure contradictoire administrative
Les délais de traitement des demandes d’autorisation sont strictement encadrés par la réglementation pour éviter les blocages administratifs injustifiés. L’autorité hiérarchique dispose d’un délai de quinze jours pour transmettre le dossier complet à la HATVP, qui statue ensuite dans un délai de deux mois. En l’absence de réponse dans ces délais, l’autorisation est réputée accordée, principe qui protège les fonctionnaires contre les inerties administratives . Cette règle du silence positif encourage une instruction diligente des demandes et garantit une prévisibilité procédurale appréciée des agents candidats à l’entrepreneuriat.
La procédure revêt un caractère contradictoire, permettant au fonctionnaire de présenter ses observations sur les éventuelles objections soulevées par l’administration. En cas d’avis défavorable de la HATVP, l’autorité hiérarchique peut néanmoins accorder l’autorisation en motivant expressément sa décision. Cette possibilité de dérogation préserve le pouvoir d’appréciation des employeurs publics tout en maintenant un contrôle déontologique rigoureux. Les décisions de refus doivent être motivées et peuvent faire l’objet de recours devant les juridictions administratives compétentes.
Critères d’évaluation de la compatibilité avec les fonctions publiques
L’évaluation de la compatibilité entre l’entreprise individuelle projetée et les fonctions publiques s’appuie sur une grille de critères objectifs définis par la jurisprudence et la doctrine administrative. Le premier critère concerne la nature de l’activité envisagée et sa relation avec le secteur d’intervention de l’administration employeuse. Une activité de conseil dans le domaine de compétence de l’agent sera scrutée avec une attention particulière, tandis qu’une activité sans lien avec les missions publiques sera généralement mieux accueillie. Cette approche préventive vise à éviter les situations de concurrence déloyale ou d’utilisation abusive de l’expertise acquise dans le cadre des fonctions publiques.
Le second critère porte sur les relations commerciales potentielles entre l’entreprise et les partenaires habituels de l’administration. L’autorisation sera refusée si l’entreprise est susceptible de contracter avec des organismes que l’agent contrôle ou avec lesquels il entretient des relations professionnelles régulières. Cette exigence de neutralité garantit l’intégrité des décisions publiques et préserve la confiance des usagers dans l’impartialité de l’administration. L’analyse s’étend également aux relations familiales et aux participations financières de l’agent, afin de détecter les conflits d’intérêts indirects.
Secteurs d’activité autorisés et restrictions sectorielles spécifiques
La réglementation définit précisément les secteurs d’activité compatibles avec l’exercice de fonctions publiques, établissant une liste limitative d’activités autorisées sous forme d’entreprise individuelle. Cette approche restrictive vise à préserver l’indépendance et la neutralité du service public tout en offrant des opportunités d’épanouissement professionnel aux agents. Les secteurs autorisés incluent principalement les services aux particuliers, l’enseignement et la formation, les activités artistiques et culturelles, ainsi que certaines prestations de conseil spécialisées. Cette sélection reflète une volonté de limiter les risques de conflit d’intérêts tout en reconnaissant l’expertise des fonctionnaires dans des domaines spécifiques.
Certains secteurs font l’objet d’interdictions absolues pour les agents publics, notamment ceux liés à la sécurité, à la défense nationale, ou aux marchés publics. Les fonctionnaires exerçant dans les domaines régaliens ne peuvent créer d’entreprises individuelles dans ces secteurs sensibles, même après cessation de leurs fonctions. Cette restriction temporelle s’étend généralement sur une période de trois années suivant la fin des fonctions, garantissant ainsi l’intégrité des processus décisionnels publics. Les secteurs bancaires, financiers et d’assurance font également l’objet d’une surveillance renforcée pour les agents des administrations économiques et financières.
Les activités de production d’œuvres de l’esprit bénéficient d’un régime particulièrement favorable, permettant aux fonctionnaires de développer librement leurs talents artistiques, littéraires ou scientifiques. Cette exception historique reconnaît la dimension culturelle et intellectuelle de certaines activités, considérées comme enrichissant plutôt qu’entravant l’exercice des fonctions publiques. Les créations artistiques, les publications scientifiques et les œuvres littéraires peuvent ainsi faire l’objet d’une commercialisation sans autorisation préalable, sous réserve de respecter les obligations déontologiques générales. Cette liberté créative constitue un facteur d’attractivité important pour de nombreux agents publics aux talents multiples.
Obligations déclaratives et régime fiscal de l’entreprise individuelle
La création d’une entreprise individuelle par un fonctionnaire entraîne des obligations déclaratives spécifiques qui s’ajoutent aux procédures d’autorisation administrative. L’agent doit déclarer son activité auprès du Centre de formalités des entreprises compétent, aujourd’hui remplacé par le guichet unique électronique géré par l’INPI. Cette démarche administrative doit être effectuée dans les huit jours suivant le début effectif de l’activité, sous peine de sanctions pour exercice illégal d’une profession. La déclaration doit mentionner expressément l’autorisation administrative obtenue et préciser les modalités d’exercice de l’activité en parallèle des fonctions publiques.
Le régime fiscal de l’entreprise individuelle créée par un fonctionnaire relève généralement du régime micro-fiscal, offrant des obligations déclaratives simplifiées pour les activités de faible ampleur. Ce régime permet de bénéficier d’abattements forfaitaires pour frais professionnels et d’une comptabilité allégée, particulièrement adaptée aux contraintes temporelles des agents publics. Les seuils de chiffre d’affaires pour 2024 s’établissent à 77 700 euros pour les prestations de services et 188 700 euros pour les activités commerciales. Le dépassement de ces seuils entraîne automatiquement un basculement vers le régime réel d’imposition, impliquant des obligations comptables plus lourdes.
La fiscalité de l’entreprise individuelle du fonctionnaire suit les règles générales de l’impôt sur le revenu, avec une particularité concernant la répartition des revenus entre traitements et salaires d’une part, et bénéfices industriels et commerciaux ou non commerciaux d’autre part. Cette double imposition nécessite une déclaration soigneuse pour optimiser la charge fiscale globale et éviter les erreurs déclaratives. L’administration fiscale peut exercer un contrôle renforcé sur ces situations de cumul, d’où l’importance de tenir une comptabilité rigoureuse et de conserver tous les justificatifs d’activité.
Les cotisations sociales de l’entreprise individuelle s’ajoutent aux cotisations de fonctionnaire, créant une situation de double affiliation sociale temporaire. L’agent continue de cotiser au régime spécial de retraite de la fonction publique tout en acquérant des droits au régime général par son activité entrepreneuriale. Cette accumulation de droits peut présenter des avantages pour la constitution d’une retraite complémentaire, mais nécessite une gestion attentive pour éviter les doublons de cotisations et optimiser les prestations futures.
Temps de travail et aménagements statutaires pour l’activité entrepreneuriale
L’organisation du temps de travail constitue l’un des défis majeurs pour les fonctionnaires créateurs d’entreprise individuelle, nécessitant des aménagements statutaires précis pour concilier service public et activité privée. Le passage obligatoire à temps partiel, fixé à 50% minimum du temps de travail statutaire, implique une réorganisation complète de l’emploi du temps et des missions de l’agent. Cette contrainte temporelle doit être anticipée et planifiée avec l’administration employeuse pour garantir la continuité du service public tout en préservant l’efficacité de l’entreprise naissante. La répartition du temps partiel peut s’organiser selon différentes modalités : mi-temps quotidien, travail sur deux jours et demi par semaine, ou alternance de semaines complètes et de semaines libres.
Les aménagements d’horaires doivent respecter les contraintes du service public, notamment les permanences obligatoires et les périodes d’affluence. L’administration peut imposer certains créneaux de présence incompressibles, limitant ainsi la flexibilité souhaitée par l’entrepreneur. Ces rigidités organisationnelles nécessitent souvent des négociations approfondies avec la hiérarchie pour trouver des solutions satisfaisantes pour toutes les parties. L’agent doit également veiller à ce que son activité entrepreneuriale ne perturbe pas l’organisation collective du service, notamment en évitant les conflits d’agenda entre ses deux activités professionnelles.
La rémunération du fonctionnaire entrepreneur subit une réduction proportionnelle à la diminution du temps de travail public, créant un manque à gagner initial que l’activité privée doit compenser. Cette transition financière représente souvent la période la plus délicate du projet, nécessitant une planification budgétaire rigoureuse et parfois des économies préalables. L’entrepreneur doit également anticiper les charges sociales et fiscales liées à son entreprise individuelle, qui peuvent représenter une part significative du chiffre d’affaires dans les premiers mois d’activité. La progression graduelle de l’activité permet généralement d’atteindre un équilibre financier satisfaisant au terme de la première année d’exercice.
Les congés et autorisations d’absence du fonctionnaire entrepreneur suivent les règles du temps partiel, avec des droits réduits proportionnellement au temps de travail effectué. L’agent doit coordonner ses congés avec les impératifs de son entreprise individuelle, créant parfois des situations complexes de gestion du temps libre. Cette double contrainte exige une organisation personnelle rigoureuse et peut limiter les possibilités de vacances prolongées ou d’absences imprévues. Certaines administrations acceptent des aménagements spécifiques pour faciliter le développement de l’activité entrepreneuriale, notamment l’autorisation de récupérer des heures supplémentaires sous forme de temps libre dédié à l’entreprise.
Cessation d’activité et réintégration dans le service public exclusif
La cessation de l’activité entrepreneuriale peut intervenir selon plusieurs modalités, chacune impliquant des conséquences statutaires et administratives spécifiques pour le fonctionnaire concerné. L’arrêt volontaire de l’entreprise individuelle à l’issue de la période d’autorisation de trois ans constitue le cas de figure le plus fréquent, permettant à l’agent de retourner naturellement à un service à temps complet. Cette réintégration automatique doit être anticipée par l’administration employeuse, qui doit prévoir les ajustements organisationnels nécessaires au retour de l’agent à temps plein. La procédure de cessation nécessite la radiation de l’entreprise auprès du registre national des entreprises et la déclaration de fin d’activité aux organismes sociaux et fiscaux compétents.
L’échec de l’activité entrepreneuriale, bien que regrettable, n’emporte aucune conséquence disciplinaire pour le fonctionnaire dès lors que les règles déontologiques ont été respectées. L’agent conserve tous ses droits statutaires et peut reprendre ses fonctions antérieures sans préjudice de carrière. Cette sécurisation du risque entrepreneurial constitue l’un des avantages majeurs du cumul d’activités pour les fonctionnaires, leur permettant d’expérimenter l’entrepreneuriat sans risquer leur stabilité professionnelle. L’expérience acquise dans le secteur privé peut même valoriser le profil de l’agent pour d’éventuelles évolutions de carrière ultérieures.
Le succès de l’entreprise individuelle peut conduire le fonctionnaire à faire un choix définitif entre service public et activité privée. La démission de la fonction publique pour se consacrer entièrement à l’entrepreneuriat nécessite le respect d’un préavis et peut ouvrir droit à une indemnité de départ volontaire dans certaines conditions. Cette rupture statutaire doit être mûrement réfléchie car elle fait perdre définitivement les avantages du statut de fonctionnaire, notamment en matière de protection sociale et de retraite. L’agent démissionnaire peut néanmoins valoriser son expertise du service public dans le développement de son activité privée, créant ainsi une continuité professionnelle enrichissante.
La réintégration à temps complet après une période d’activité mixte nécessite parfois une période d’adaptation pour retrouver le rythme et les méthodes du service public exclusif. L’enrichissement professionnel acquis par l’expérience entrepreneuriale peut bénéficier à l’administration employeuse, apportant de nouvelles compétences et une approche renouvelée des missions publiques. Cette fertilisation croisée entre secteurs public et privé participe à la modernisation de l’action administrative et justifie pleinement l’ouverture progressive de la fonction publique à l’entrepreneuriat de ses agents. Le retour d’expérience de ces parcours hybrides contribue également à l’amélioration continue des dispositifs d’accompagnement des fonctionnaires entrepreneurs.