Bénévoles ou salariés : limite de la requalification

Le lien de subordination est défini par la jurisprudence comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Cette notion est déterminante pour caractériser la qualité de salarié.

Dans cette affaire, la Cour de cassation s’est appuyée sur cette notion de lien de subordination pour déterminer si les membres permanents d’une association étaient bénévoles ou salariés.

Cette association gérait le « Café des Arts », établissement de restauration servant de support à diverses activités artistiques et culturelles, dont le fonctionnement et l’animation étaient assurés par six membres permanents de l’association vivant sur place. Ceux-ci n’étaient pas rémunérés, mais bénéficiaient d’avantages en nature : l’association prenait en charge leurs besoins, leur entretien et leur logement. Considérant que ces permanents effectuaient pour le compte de l’association un travail rémunéré par ces avantages en nature, l’Urssaf (L’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) les avait affiliés au régime général de sécurité sociale et avait réclamé le paiement des cotisations afférentes aux années 1991 à 1993.

Nb > Les avantages en nature attribués à un salarié s’ajoutent à sa rémunération en espèces pour le calcul des cotisations. Sont considérés comme avantages en nature l’hébergement ou le logement de collaborateurs, les repas, la mise à disposition d’un véhicule et, de façon générale, la participation financière à toute dépense incombant normalement à un salarié.

La cour d’appel de Grenoble ayant refusé l’assujettissement de l’association au régime général, l’Urssaf s’est pourvue en cassation.

Devant la chambre sociale de la Cour de cassation, l’Urssaf soutenait que le travail des membres permanents de l’association s’inscrivait dans un cadre préétabli (quant au lieu et aux horaires de travail) et qu’une partie des recettes dégagées par l’établissement servait à couvrir les besoins matériels des permanents sous forme d’avantages en nature, ceux-ci constituant la contrepartie du travail fourni par eux.

Au contraire, pour la Cour de cassation, bien que les membres permanents bénéficiaient d’avantages en nature, le lien de subordination entre eux et l’association n’était pas établi.

Ainsi, même s’ils bénéficiaient d’avantages en nature, les membres de l’association ne pouvaient être considérés comme salariés. En effet, :
  • ils n’avaient aucun horaire de travail ;
  • ils géraient eux-mêmes leur activité ;
  • ils choisissaient les activités et orientations à mettre en œuvre ;
  • ils ne recevaient aucune instruction pour le travail ;
  • ils participaient aux activités selon leur bon vouloir et selon les modalités qu’ils déterminaient eux-mêmes.

Par conséquent, ces éléments mettaient en évidence l’absence d’autorité et de contrôle de l’association sur le travail de ses permanents, ce qui a conduit la Cour de cassation à conclure au défaut du lien de subordination.

Ainsi, le bénéfice d’avantages en nature n’entraîne pas automatiquement la requalification du bénévolat en salariat si le lien de subordination n’est pas établi.

Soulignons cependant que, dans une décision récente de la Cour de cassation relative aux accompagnateurs de la Croix-Rouge (Cour de cassation, chambre sociale, 29 janvier 2002, n° 403 FS-PBR), la perception d’indemnités forfaitaires dépassant le montant des frais réellement exposés a entraîné la requalification en salariat car les intéressés effectuaient un travail sous les ordres et selon les directives de l’association qui avait le pouvoir d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels.

En effet, les frais professionnels réellement exposés ne correspondaient qu’au tiers des sommes versées par l’association. Les accompagnateurs percevaient donc une rémunération. En outre, le lien de subordination était établi car les intéressés recevaient des ordres de mission très précis (tâches à effectuer, horaires à respecter), et devaient observer le règlement du service des convois sous peine de sanctions.

Par ailleurs, l’association avait conclu un contrat dit « de bénévolat » avec les accompagnateurs.

La Cour a également souligné que la seule signature de ce type de contrat dit « de bénévolat » n’exclut pas l’existence d’un contrat de travail si les conditions en sont remplies.

Nb > La requalification en salariat avait déjà été retenue à propos d’un contrat d’engagement volontaire pour une mission humanitaire. La Cour de cassation avait considéré que le titulaire de ce contrat se trouvait dans une situation de subordination caractéristique d’un contrat de travail au motif :

 
  • qu’il s’était engagé dans le contrat à se conformer aux instructions, règles de conduite et directives qui lui seraient données par l’association et son responsable ;
 
  • que l’association se réservait la possibilité de mettre fin au contrat en cas de non respect des clauses du contrat.

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